Poursuivre ses études ailleurs, c’est naître à nouveau
L’avion de la Middle East Airlines atterrit sur l’aéroport de
Genève marquant le début d’une nouvelle aventure. Oui, je m’apprête à une
expérience inédite dans un pays considéré parmi les pays les plus luxueux au
monde. Un sentiment de peur et de joie m’envahit à la fois. Comme tout être
humain, j’ai peur de l’inconnu mais je sais que cet inconnu me cache de bonnes
surprises.
Biographie
Accueillie par mon frère qui habite Genève
depuis dix ans, je me sentais entourée d’un air de ma famille.
Je suis
descendante d’une famille libanaise composée de mes parents, de deux frères et
d’une soeur. Mes deux frères ont choisi la Suisse pour suivre un doctorat et s’y
installer et ma soeur s’est envolée vers la Nouvelle-Zélande pour rester proche
de son mari. Une famille aux quatre bouts du monde.
Mon cas était plutôt
similaire à celui de mes frères. Je suis titulaire d’une licence en traduction
de l’Université Libanaise et d’un master en Journalisme francophone de
l’Université Paris II en collaboration avec l’Université Libanaise. Ayant obtenu
une bourse de la confédération suisse, j’ai choisi de compléter ma formation de
traductrice et de journaliste au Liban avec un Master en sciences de la
communication et des médias à l’université de Genève. La décision de changer ma
vie, mon pays, mes amis, ma nourriture, mes habitudes et mes pensées résultait
d’une expérience éducationnelle et professionnelle en même temps.
Travail
Fascinée par le monde de la nutrition, j’ai été
engagée à l’issue de mes études au Liban par un mensuel culinaire arabophone
d’une grande renommée dans les pays arabes. Pendant deux ans, je me suis donnée
en plein à mon travail bien que l’expérience me dépasse parfois. Je faisais ce
qu’on appelle le « One Man Show » car toute la préparation de chaque
publication reposait sur mes épaules, mais, j’avais une joie et un enthousiasme
incroyables. Des circonstances défavorables ont amené ce mensuel à s’arrêter et
avec lui s’arrêta ma production. Je me sentais émotionnellement attachée à mon
travail et le choc fut rude.
Une flamme d’espoir s’alluma avec l’Union
Européenne pour laquelle j’ai travaillé comme interprète pour des observateurs.
Dès lors, l’idée de continuer mes études en Europe m’a beaucoup séduite et je me
suis retrouvée dans la salle d’attente de l’ambassade suisse déposant un dossier
de bourse.
Entre-temps, ma vie professionnelle était redevenue complètement
active. J’étais secrétaire à la rédaction d’un magazine de décoration anglophone
le jour, et assistante à la rédaction dans un programme de téléréalité (The
Biggest Loser adapté au monde arabe) le soir.
Ce dur rythme de travail m’a
pavé le chemin vers l’acquisition d’une bonne expérience professionnelle et m’a
permis en même temps de développer une personnalité qui s’impose tout en
respectant la liberté des autres.
Le premier avril 2006, check mail, eh !
surprise ! Réponse favorable pour une bourse d’étude en Suisse. Poisson
d’avril ? Jamais, preuve en est, je suis à Genève.
L’heure H arrive !
Travailler dans mon pays d’origine,
avoir mes parents, mes amis et mon environnement n’était pas une page blanche
que je pouvais facilement tourner.
Le 12 octobre 2006, l’avion décolla et
avec lui décollèrent tous mes souvenirs, mes amours, mes moments heureux et
tristes, mais seul restait l’attachement à la patrie, la fidélité à la terre qui
m’avait élevée, à l’eau qui m’avait rassasiée et à l’air qui m’avait embellie.
Le Liban, nommé jadis « Suisse de l’orient » envoie un disciple pour prouver
que même les pays en conflits intérieurs ont l’occasion de fleurir et faire
évidence d’une éducation hautement élaborée.
Depuis la nuit des temps, le
Liban, ce pays combattant pour la liberté et la souveraineté, délègue des
pensées et des penseurs pour montrer son vrai visage. C’est l’image d’ouverture,
de culture et d’intellectualité
Liban, merci.
Merci de m’avoir donné cet esprit
d’ouverture, merci de m’avoir envahie de l’air méditerranéen, chaleureux,
accueillant, puisant d’amour et d’espoir. Merci de m’avoir formée à l’adaptation
et à l’acceptation de l’autre.
Le retour attendu
Quand j’ai quitté mon pays, je me suis
faite la promesse du retour. Le retour après avoir décroché un diplôme européen
qui me qualifiera et me distinguera de mes collègues. Mais le prix du retour ne
sera pas facile. Il faudra endurer deux années d’éloignement, d’études et de
solitude parfois afin d’aboutir au but souhaité. Pourtant, je considère cette
expérience comme un enrichissement personnel, comme un partage de moments,
d’idées et de conversations. J’essaierai donc de prendre le bon exemple de la
société occidentale pour l’appliquer dans mon pays et moi, je vais offrir en
échange au monde occidental qui a perdu le sentiment de chaleur et des rapports
humains, un cadeau d’amour, d’hospitalité et de relation humaine.
Par RITA SAYAH